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Les Goguettes en trio (mais à quatre) – « Troisième quinquennat » : les « polissons de la chanson »

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La morosité vous guette en cette fin d’année 2024 ? Avec « Troisième quinquennat », quatrième album du facétieux groupe « Les Goguettes », le remède à la mélancolie est tout trouvé.

Vous avez peut-être déjà entendu ces trublions de la chanson pendant le confinement. Leur chanson « T’as voulu voir le salon » sur l’air de « Vesoul » de Jacques Brel autopsiait avec force humour nos vies confinées. Avec un pangolin sur un fond rouge, leur album « Le temps béni de la pandémie », sorti donc en 2020, a fait florès, après deux opus « Le changement, c’est doucement » en 2017 (vous reconnaîtrez là un célèbre slogan de campagne présidentielle) et « Globalement d’accord » en 2019. Les Goguettes sont aux deux quinquennats Macron ce que le célèbre auteur Patrick Rambaud était au quinquennat Sarkozy avec ses drôles et acérées « Chroniques du règne de Nicolas Ier ». A cette différence près que de disque en disque, c’est non seulement le président mais tout le bestiaire politique (droite et extrême droite, gauche, centre), ses mesquineries, ses affaires, ses travers qui est passé au crible de l’humour ravageur de ceux que Brassens aurait bien appelés « les polissons de la chanson ». Pluralisme et égalité de temps de déconne garantis, puisqu’aussi bien Rachida Dati, Manuel Valls, Bruno le Maire, Marine le Pen sont épinglés par ces chansonniers qui nous rappellent les meilleures heures de Francis Blanche et Pierre Dac. Eux aussi, comme leurs illustres prédécesseurs, ont pris le « parti d’en rire ». Un documentaire de 2021 qui leur est consacré porte d’ailleurs le titre « Les Goguettes : le parti d’en rire », comme pour attester de cette filiation.

Pour reprendre un autre slogan politique, les Goguettes c’est le changement dans la continuité. Leur marque de fabrique depuis leur rencontre en 2013 ? Faire des albums en forme de revue de presse qui pastichent des chansons très connues, issues notamment du répertoire français. Leur grand talent, et non des moindres, est de nous surprendre à chaque instant par la souplesse élastique de leur verbe caustique alors même que tout ce qui fait la matière de leurs chansons (airs, mélodies, actualité politique) nous est justement archi-connu.

A mi-chemin entre le théâtre, le stand-up et la chanson, l’album « Troisième quinquennat » a été enregistré à la Cigale en mars 2024 et on y entend la ferveur et l’hilarité d’un public conquis par les mordantes trouvailles du groupe formé par Clémence Monnier, Stanislas de Fournoux, Aurélien Merle et Valentin Vander. Ces rois du pastiche qui posent sur la couverture de l’album avec des couronnes manient les calembours et les bons mots avec une aisance et une finesse faisant honneur au célèbre adage latin « Castigat ridendo mores », châtier les mœurs par le rire. Florilège : « ça va barder là », « aussi maussade que les services secrets israéliens », « mais la thune n’est pas là »… j’en passe et des meilleures.

De l’arrivée de Rachida Dati au ministère de la Culture (« Dati oh Dati », sur l’air de « Oh Gaby » de Bashung) à la solitude de Manuel Valls sur l’air de « Laissons entrer le soleil » de Julien Clerc, en passant par la télé d’Hanouna, nouvelle « Tribu de Dana » de Manau façon Goguettes, sans oublier « La complainte de Bruno le Maire », particulièrement d’actualité en ces temps de restrictions budgétaires, sur l’air de « J’ai attrapé un coup de soleil » de Richard Cocciante, (un des sommets de l’album), ces moralistes fantaisistes épinglent avec une verve et une joie communicative les misères du personnel politique. « Juste une dissolution », reprise entraînante et hilarante de « Just an illusion » d’Imagination, démystifie avec malice le séisme politique de l’année.

Si notre quatuor épingle l’absurdité des tests pour acquérir la nationalité française (« Honte à cet étranger »), les climatosceptiques (« Ben quoi le climat », pastiche de « Qui c’est celui-là »), chante les fins et même les débuts de mois difficiles (« La Ruinance », détournement de « La kiffance » du rappeur Nash), évoque le glyphosate, les guerres en Ukraine et au Moyen-Orient, la satire prime largement sur la chanson engagée. Pour reprendre ce titre d’Anne Sylvestre, les Goguettes sont plutôt passés maîtres dans l’art de la « chanson dégagée », transformant les vicissitudes de l’actualité en « fabulettes » humoristiques. Reprenant le « Tomber la chemise » de Zebda, groupe engagé s’il en est, non sans railler au passage l’accent toulousain, dans « Gonfler les chevilles », nos trublions manient aussi avec bonheur l’autodérision. Clou du spectacle, « Ô wokisme ennemi », subtile parodie du Cid de Corneille mâtinée d’un peu de Racine, nous offre une saynète ponctuée de quelques alexandrins fort bien troussés et cocasses. On ne saurait donc que vous conseiller de partir en « Goguettes » !