On lui demande à chaque interview pourquoi il porte un masque, à cette question récurrente Orville Peck a fait certainement la meilleure réponse qui soit, cette phrase géniale empruntée à Dolly Parton : « D’abord tu dois te démarquer, puis après tu leur donnes la substance. »
Mais qui est ce chanteur qui redonne ses lettres de modernité à la country ? Son premier album « Pony » est sorti au printemps 2019, un opus intrigant et assez jubilatoire porté par le très beau titre « Hope to die » sur lequel la voix de crooner de Peck prend toute sa consistance. Franchement ça vaut le coup d’oreille parce que c’est vraiment très beau et l’interprétation personnelle de la danse country par Orville Peck, mi cowboy mi torero laisse bouche bée !
Plus encore, Orville Peck pulvérise les genres. Il fait de sa country un genre bien plus accessible si vous n’avez pas l’habitude de vous balader avec un Stetson sur la tête et un bolo autour du cou toute la journée. Les arrangements sont largement inspirés du rock indépendant, on pense un peu à la musique de Lana del Rey mais avec la voix de Chris Isaak et le côté complétement théâtral de Morissey
Surtout Peck, c’est un cowboy d’un genre un peu particulier, attirail de rancher sur le dos certes, mais avec des paillettes.
Ouvertement homosexuel, il raconte dans ses balades des histoires plus proches du « Secret de Brokeback Mountain » que de « La Chevauchée fantastique ». Ses prises de position ont mis un grand coup de santiag dans le milieu toujours un peu conservateur de la musique country, musique qui chante le plus souvent le point de vue du mâle blanc américain hétérosexuel.
Dans ses interviews il cite comme électrochoc le groupe country « Lavender country ». Premier groupe country américain gay, dont la musique hyper classique alliée aux paroles extrêmement subversives l’ont littéralement médusé quand il était plus jeune.
Il chante aujourd’hui lui aussi ses troubles et ses démons, ses désirs, ses sentiments avec emphase et profondeur, en conservant une large part de mystère autour de sa personne, son apparence, qui il est.
Se dévoiler sans se montrer, en dire beaucoup de manière détournée, ça interpelle, ça peut déranger mais ça fascine aussi. En fait il pourrait tout à fait apparaître dans la bande son de « Mulholland drive », un truc du genre : petite ville de campagne américaine tout à fait classique où il arrive des trucs de dingue dans une atmosphère légèrement poisseuse.
Les clips d’Orville Peck sont également de vrais petits bijoux cinématographiques. On peut les regarder tous un par un tellement ils sont bien.
Mention spéciale à celui de la chanson « Queen of the rodeo « : du rodéo, des taureaux et des drag- queen. C’est super beau et super émouvant.L’actrice principale de ce clip est Jem, une drag-queen amie d’Orville qui nous montre ici dans une métaphore subtile la difficulté de se faire une place dans un monde très codifié pour devenir la « Drag-queen of the rodeo ».
Son tout dernier clip « Summertime », débute comme toujours avec sa voix profonde à vous faire dresser les poils, pour partir dans un crescendo onirique où après avoir été recouvert de lière grimpant, Orville, tout recouvert de cuir, se pare d’un costume de cowboy parsemé de fleurs assorti d’un masque rose.
Orville Peck, cowboy gay à la voix de velours et au visage inconnu dissimulé sous un masque, je t’aime…