Kerala Dust est un trio originaire de Londres composé de Edmund Kenny au chant (suave) et aux compositions électroniques, Harvey Grant aux claviers et Lawrence Howarth à la guitare, actuellement basé dans l’ouest allemand, berceau du Krautrock et disposant d’une certaine culture électro underground.
Leur nouvel album nommé Violet Drive, sorti en février 2023, se démarque de leur précédent opus Light, West sorti en 2020. Ce dernier dévoile des ambiances stroboscopiques marquées par la volonté de faire bouger son auditoire, alternant des morceaux longs et avec des instrus répétitives (mais jamais lassantes, écoutez-moi ce morceau d’ouverture !) et quelques pépites, presque funkypnotique, plus courtes qui donnent toutes les deux envies de danser en s’affranchissant de la contrainte du temps dans des clubs brumeux, sombres et peut-être même…désert ?
D’ailleurs, la pochette nous montre un pick-up justement au milieu de ce qui semble être un désert à l’américaine, avec quelqu’un seul dehors qu’on peut imaginer se mettre à danser. Finalement cet album c’est un peu ça…un véhicule qui vous emmène dans un recoin sombre de votre esprit et vous montre qu’il est agréable de s’y mouvoir en rythme…
Cependant la pochette de Violet Drive l’album qui nous intéresse est bien différente…en effet elle nous propose une Cadillac rouge encastrée dans un arbre qui prend feu, apportant la seule lumière (qu’on devine vacillante) dans ce qui semble être le même désert que sur la première pochette. Personne en vue cette fois, on peut imaginer que le conducteur erre dans l’obscurité autour, ou peut-être qu’il en a profité pour aller explorer l’étendue sauvage nocturne aux alentours…
A l’instar de notre personnage imaginaire, tentons d’explorer cet album qui mixe diverses influences et ambiances.
L’album s’ouvre avec la piste intitulé “Moonbeam, Midnight, Howl” :
Et quelle piste ! Tout arrive progressivement, d’abord le rythme clavier, les sonorités ambient éclosent, puis la basse paraissant presque organique qui commence et laisse petit à petit apparaître une guitare de plus en plus présente se déchainant sur une rythmique funky au milieu du morceau. Ensuite le tout tourbillonne ensemble dans une ambiance fantasmagorique digne d’un labyrinthe Lynchien !
Maintenant place au titre éponyme “Violet Drive” et son clip particulièrement intéressant :
J’aimerais m’attarder sur deux choses :
Premièrement, le clip commence sur une personne qui tient un pendulampoule se balançant de gauche à droite (ou inversement qui sait !?) et se termine par cette même personne qui tient ce même outil mais qui cette fois recule de gauche à droite (là c’est sûr !) en tenant le pendule devant elle comme une invitation à la suivre. Représentation de l’envoûtement que procure l’écoute du morceau, et de l’envie de suivre cette lumière à travers le désert nocturne pour voir vers quelles danses spirituelles elle peut nous amener…
Deuxièmement, le morceau nous annonce que Kerala Dust mixe à la perfection riffs bluesy et musique électronique et s’affranchit des barrières de genre tout en gardant son amour premier pour les boucles répétitives psychédéliques. La guitare ici n’est plus en arrière-plan, elle fait partie de la boucle tout en la brisant, elle est libre et munie d’effets de distorsion et de reverse. Les percussions acoustiques apparaissant à 1:38 dénotent avec les beats omniprésents et font également leur petit effet en rappelant le trip-hop de Massive Attack.
Lorsqu’on visualise et écoute “Pulse VI” on sent une certaine dichotomie entre le rythme rapide et la vidéo sobre de quelqu’un qui mange et fume en nous fixant, adossée à.…une voiture de nouveau :
Ici on est assez proche du premier album, on retrouve des sonorités de Club music, avec une guitare discrète mais qui rajoute un petit côté funky encore une fois. Une voix féminine s’ajoute à celle du chanteur, elle est à la fois instrumentalisée (répétition de la même phrase en boucle, faisant écho à l’instru qui se répète aussi) et supporte en même temps la voix sirupeuse de notre cher Edmund. On se laisse finalement emporté par le côté onirique de ce morceau et on a déjà fermé les yeux sans que l’on s’en aperçoive.
Et lorsqu’on les ouvre de nouveaux on se rend compte qu’on a été embarqué dans un train fantôme, pas le genre qui fait peur mais le genre plutôt spectacle glauque qui part d’une bonne intention (un peu l’étrange noël de monsieur jack ‘voyez ?) poupées qui chantent, clown avachi dans un coin, et panneaux de fête foraine défaillants…bienvenue dans “Nuove Variazioni di una Stanza”
De son côté le titre “Engel’s Machine” flirte avec un côté très industriel à la fois mécanique/répétitifs mélangé à une sorte de synthpop-disco très agréable par-dessus laquelle le chanteur aidé d’une voix féminine nous invite à “Just love this machine”.
Il est également possible d’aller se promener au Moyen-Orient avec le magnifique “Salt” ou alors de rêver en écoutant la douce balade acousticomantique “Fine Della Scena” qui se permet de clore l’album en beauté.
Je vous conseille vivement d’enfiler votre casque ou vos écouteurs et de partir à l’exploration de ce disque. Conseil d’ambiance pour l’écoute : mettez-vous à l’aise dans une pièce sombre avec une couleur de néon (plutôt violette ou orange) comme seule source de lumière.
Vous serez projeté dans une certaine Cadillac rouge qui file à travers le désert américain au milieu des coyotes…
Attention à l’arbre !