Le groupe collectif Crack Cloud est un ensemble formé par un certain Zach Choy, qui en participant à des groupes d’entraide pour anciens toxicomanes s’est vu récupérer parmi ces derniers plusieurs profils artistiques afin de créer un atelier où tout est fait maison avec pour objectif de proposer un processus d’art-thérapie exutoire.
Lui-même principal compositeur, batteur et chanteur du collectif, Crack Cloud est à la base un projet solo qui s’est muté en rassemblement d’artistes de plusieurs compétences autour d’un seul et même objectif : raconter des histoires à travers plusieurs médias, en soi créer de l’art comme substitut aux affres de l’addiction.
Les histoires contées naissent des conversations que les membres ont dans leur laboratelier à Vancouver, dès lors que quelque chose plaît, on s’attelle à la mettre en musique mais aussi en image et c’est là un des (nombreux) points forts du groupe collectif.
Forts de deux EP’s réunis en une compilation éponyme en 2018 et d’un premier véritable album sorti en 2020 “Pain Olympics” qui débordent d’une énergie rageuse tout en ayant déjà un goût pour le mélange des genres et l’inclassable, l’ensemble évolue en se perfectionnant sur leur petit dernier bien nommé “Though Baby“.
Comme je le disais plus haut, pour le groupe collectif, musique et image sont presque indissociable, ainsi la pochette d’album va servir de plan initial pour le clip du premier single, on va raconter en quelque sorte l’histoire de la pochette.
L’œuvre est ponctuée d’une introduction et de plusieurs dialogues narratifs absent du disque, contribuant à proposer une expérience bien différente entre visionnage et écoute dans l’album. Comme le personnage féminin de la pochette, on est propulsé dans une grande fête aux ambiances variées mais toujours positives. Les cuivres sont là mais les guitares aussi, Zach saute et bouge dans tous les sens, chante et hurle même. En tout cas tout le monde s’éclate et c’est assez communicatif autant visuellement que musicalement.
Vient ensuite une rythmique pop-chorale accompagnée d’une même phrase répétée en boucle (on parle de liberté écho à une indépendance à laquelle on aspire lorsqu’on soigne une addiction) accompagnée d’un solo de guitare suivi d’une certaine libération sous forme d’un magnifique outro au piano. Cette conclusion est agrémentée dans la vidéo d’une mise en scène particulièrement touchante dans laquelle les nuages font échos à la légèreté de la mélodie, à la rédemption et à une pureté convoitée mais inaccessible (malgré l’abstinence, la dangereuse tentation sera toujours là quelque part).
La seconde escapade met en image la piste éponyme de l’album :
Univers différent tant dans l’imagerie que la musicalité, on oscille ici entre pop mélancolique et post-punk avec une touche de chœurs qui rend le tout assez mystique. La diversité des chanteurs apporte aussi aux variations d’atmosphères qui ici, contrairement à ce que laisse supposer la première piste de l’album (nous invitant à déverser notre colère à travers les instruments) nous sommes face à un titre nostalgique, introspectif qui fait l’éloge de l’imaginaire et du bien-être qu’il peut procurer (en témoigne le sourire du personnage à la fin). Le côté thérapie prend tout son sens, on assiste à une véritable catharsis des membres.
Le troisième single est un mélange entre mise en image et extraits de performance live, qui ont tout l’air d’être des expériences théâtrales autant visuelles que musicales (est-ce vraiment surprenant ?). (vidéo malheureusement retirée)
On commence à les connaître, même si le morceau commence frénétiquement à la manière d’un Talking Heads qui aurait un peu trop fricoté avec Devo, on fait doucement la transition vers des sonorités plus planantes, un apaisement progressif qui nous fait décoller, presque “dream-popesque », lorsque Zach reprend le chant au milieu on est vraiment transporté dans un album de Beach House… (en un petit peu plus vulgaire je conçois)
Avant d’en sortir brutalement par des sonorités de sirènes de police, une personne qui parle dans un mégaphone, une guitare, un saxo, une batterie et c’est reparti… on revient sur la rythmique du début pour un laps de temps assez court mais qui prépare à la prochaine excursion…je veux dire prochaine piste.
Que ce soit avec les échappées électro/hip-hop de “Afterthought (Sukhi’s Prayer)”, la cold-wave se changeant progressivement en metal de “Criminal” ou encore le gros bordel organisé de “Virtuous Industry” critique acide de l’industrie musicale, Crack Cloud prouve avec cet album qu’ils débordent d’inventivité, d’audace et surtout de talents.
Tout comme l’album qui s’ouvre sur un message enregistré du père de Zach Choy (décédé d’une leucémie à 29 ans) qui invite ses enfants à faire de la musique, utiliser les instruments et les poèmes qu’il laissera de manière posthume afin de déverser leurs émotions dans la musique et la création, le groupe collectif nous lègue un album teinté d’espoir qui nous rappelle que même dans des temps difficiles, l’art, quel qu’il soit, sera toujours un moyen de sevrage, pour ne pas retomber dans « insérer addiction ou état d’esprit négatif”.
Aucune overdose possible avec ce “Tough Baby“, même si l’écoute peut provoquer une certaine accoutumance…