Mélancolie et tristesse sont des sentiments qui ont inspiré nombre d’artistes de la musique moderne anglo-saxonne. Si la scène britannique est connue pour combiner rock fougueux avec pop légère (Beatles, Queen, Pulp, Oasis,….), certains artistes ont choisi de prendre un chemin plus obscur (The Cure, Joy Division, Nick Cave, Radiohead, Portishead,…). A.A. Williams s’inscrit dans cette lignée avec l’envoûtant Forever Blue. De formation classique, deux moments clés déterminent son parcours musical : la découverte des Californiens de Deftones, fondateur du nu metal et celle d’une guitare abandonnée dans la rue. Pour perfectionner son apprentissage de l’instrument, elle commence à composer ses propres chansons et décide les chanter.
Après un premier EP qui pose les fondations, Forever Blue sort en juillet 2020 et consacre son identité musicale : un piano, une guitare, des arrangements acoustiques et une voix envoûtante laissant place à des envolées électriques et une tempête sonore. A son écoute, c’est un déluge émotionnel où mélancolie, tristesse, froideur perdition se disputent à la puissance, la rage, la rudesse et l’affirmation.
La marque de fabrique de cet album est le doublement des voix. Quatre des huit titres proposent une dualité voix féminine / masculine. Dirt où la voix de Tom Flemming, chanteur de One True Pairing apporte une certaine chaleur et un réconfort. Fearless qui démarre sur une voix plaintive accompagnée par une guitare acoustique avec des choeurs sur le refrain puis surgit une explosion sonore avec le chant guttural de Johannes Persson, chanteur du groupe de metal Cult Of Luna qui nous achève par sa puissance : les deux voix s’entremêlent dans un jeu de réponse et d’écho.
Love And Pain évoque l’angoisse de la dépendance à l’amour avec cette ligne de basse obsédante puis cette montée presque apocalyptique pour finir à nouveau tout en douceur.
I’m Fine conclut l’album sur un trio voix, piano et violoncelle et se termine avec des chants d’oiseaux et des bruits de nature qui, après autant d’émotions fortes, nous permet de retrouver un peu de paix.
Avec un chant proche de celui de Beth Gibbons, on retrouve la même sensation sombre de tristesse mélancolique et de dépression que sur l’album Third de Portishead mais la froideur et l’agressivité des machines en moins. C’est une sorte de catharsis : derrière la douleur se cache une douceur et l’espérance du repos de l’âme. Ces sentiments ont permis à The Cure de sortir une superbe trilogie entre 1980 et 1982 avec les albums Seveteen Seconds, Faith, Pornography puis en 1989 avec Disintegration. A.A. Williams ne s’y trompe pas et reprend un titre célèbre de cet album : Lovesong. Cette chanson est issu de son projet musical vidéo élaboré lors du dernier confinement en 2021 : Songs From Isolation, devenu par la suite un album de reprises comprenant des titres des Pixies, Radiohead, Nick Cave et bien sur de Deftones.
L’album parfait pour vos dimanches pluvieux.